La fantastique histoire de
l'ABSINTHE


Pourquoi l'absinthe ne serait interdite qu'en FRANCE ou en SUISSE ?
Et qu'en Espagne, en Angleterre, en Europe de l'Est ou au Japon, elle est totalement légalisée...
...Alors que c'est en Suisse, puis en France, que l'absinthe a été développée et a pris un tel essor !

Nous souhaiterions vous rappeler les grandes étapes de la vie de l'absinthe, depuis l'origine de la Fée Verte, jusqu'à aujourd'hui et à cette situation juridique totalement absurde...

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L'absinthe suisse


La fée verte.

De Baudelaire à Verlaine, de Toulouse-Lautrec à Modigliani, ils sont nombreux les écrivains et les peintres qui recherchèrent l'inspiration dans la fréquentation immodérée de la fée verte. Beaucoup l'ont intégrée directement à l'oeuvre, comme Degas qui la peignit sur l'une de ses toiles accrochées au Louvre. Quant au poète Raoul Ponchon, il lui dédia ces vers :

Absinthe, je t'adore, certes.
Il me semble, quand je te bois,
Humer l'âme des jeunes bois
Pendant la belle saison verte.
Ton frais parfum me déconcerte
Et dans ton opale je vois
Des cieux habités autrefois
Comme par une porte ouverte.

Pour tous ces créateurs, le nom de deux villes jurassiennes était aussi familier que celui de Paris.
Couvet, en Suisse, Pontarlier, en France étaient les capitales de leur vice quotidien et de leurs rêves. C'est en effet dans ces deux localités que se fabriquaient les absinthes consommés dans le monde entier, à partir d'une plante vivace, fortement aromatique, très répandue dans le Haut-Pays.

C'est dans le Val-de Travers, au pied du Jura neuchâtelois, que fut, dit on, découvert au XVIIe siècle << l'élixir d'absinthe >> (première dénomination du produit que Zola allait rendre tristement célèbre dans L'Assommmoir). On raconte qu'une famille nommée Henriod se transmmettait depuis fort longtemps une recette médicinale à base de plantes cueillies dans la montagne, qui s'employait comme remède contre de nombreuses maladies de l'estomac et des intestins. Parmi ces plantes, il y avait l'absinthe dont Pline l' Ancien avait déjà vanté les mérites dans son Histoire naturelle :
Elle resserre l'estomac, fait sortir la bile, est diurétique, amollit le ventre, le guérit s'il est douloureux, chasse les vers et dissipe les faiblesses d'estomac et les flatuosités. Elle fait cesser le dégoût et aide à la digestion.
Quant à l'anis, les élèves de la célèbres école de médecine de Salerne l'avaient chansonné depuis longtemps dans ce quartier truculent :

L'aneth et le fenouil, l'anis et la coriandre,
N'ont point des effets différents,
Du fond des intestins, ils font sortir les vents
Et par-arrière, il les font rendre.

Comment les Henriod fabriquaient-ils cette précieuse liqueur ?
Très certainement par macération mais aussi par distillation car une étiquette rarissime conservée au musée historique de Neuchâtel, on peut voir la représentation d'une cornue et d'un alambic, au-dessus de cette inscription : << Extrait d'absinthe, qualité supérieure de l'unique recette de Mlle Henriod de Couvet, comté de Neuchâtel, en Suisse. >>





En 1797, le sieur Henri-Louis Pernod acheta aux héritiers Henriod le droit d'exploiter industriellement la fabrication de cet élixir et fonda à Couvet une distillerie d'une trentaine de mètres carrés.
A partir de cette époque, dans toute la région, les habitants commencèrent à consommer l'absinthe pour des raisons qui n'étaient pas uniquement médicales.
Dépassé par le succés de son produit et aussi pour échapper aux droits élevés que le fisc prélevait sur l'absinthe, le distilleur suisse décida de s'installer en France.
C'est ainsi que par acte du 25 pluviôse, an XIII, (14 février 1805), le citoyen Benoît-Hilaire Courbe remettait à bail à Pernod Fils, au prix de 180 francs l'an, les locaux sis dans la maison Grande-Rue à Pontarlier pour y établir une << fabrique d'eau verte >>.

La production de << Pernod >>, nom d'un produit qui fut bientôt célèbre dans toute la France et à l'étranger, passa de 32 litres par jour à 450 litres en 1855, à 1 000 litres en 1886 et à 25 000 litres en 1900.
D'autres industriels se mirent également à fabriquer l'absinthe, dont Fritz Duval, de Couvet-Pontarlier, et trois maisons un peu moins importantes. Malheureusement, comme les Jurassiens n'arrivaient pas à satisfaire toutes les demandes de la clientèle, des concurrents peu scrupuleux élaborèrent un produit similaire préparé à froid, sans distillation en se contentant de mélanger plusieurs essences à des quantités plus ou moins importantes d'alcool frelaté.
Il en résulta que les consommateurs de cette absinthe subirent plusieurs phénomènes d'intoxication, tels que les vertiges, des délires, des attaques d'épilepsie.
Dans l'opinion publique, on ne fit pas la distinction entre l'absinthe fabriquée selon les méthodes naturelles et le produit commercialisé par ces clandestins. Une unique réprobation s'éleva.



Animée par le journal Le Matin, une formidable campagne se déchaîna en France contre l'eau verte.
Quatre cent mille personnes signèrent une pétition disant : << Partout où l'hydre verte paraît, paraissent le crime et la folie. >>

La Chambre des Députés emboîta le pas et il y eut de sévères empoignades oratoires entre détracteurs et partisssans de l'absinthe.
Des hommes de sciences se livrèrent à des expériences pour arbitrer la polémique. On inocula des extraits du produit à des malheureuses bêtes qui tombèrent foudroyées.
Les parlementaires de Franche-Comté s'opposèrent bien sûr farouchement aux partisans de l'abolitionnisme de l'absinthe. M. Girod, député du Doubs, monta à la tribune pour déclarer :

Voyons, entre nous, qu'est-ce encore que cette balançoire des expériences faites sur les animaux ? Est-ce que les organismes sont identiques ? On fait absorber aux chiens, aux lapins, aux singes, par voie digestive, des essences d'anis, de fenoyuil et d'hysope, et on leur trouve des crises agressives, l'épilepsie, que sais-je encore ? Et puis après ? Savez-vous ce que le bon sens populaire à répondu au cours d'une conférence anti-alcoolique, par la bouche d'un ouvrier ? C'est que l'absinthe n'est pas fait pour les chiens, voilà tout !

Cette éloquence parlementaire était surtout motivée par le fait qu'à Pontarlier et dans les environs, beaucoup d'électeurs travaillaient au début du siècle dans les distilleries.
A l'époque également, les paysans des villages et hameaux des alentours ne vivaient pas de lait comme aujourd'hui, mais de la " verte ". partout, les flancs de la montagne étaient couverts d'absinthe que l'on vendait aux distillateurs.
Chaque matin des voitures chargées de plantes aromatiques descendaient vers les établissements Pernod Fils et embaumaient les rues sur leur passage.

Lorsqu'ils s'avisèrent qu'on pouvait en nourrir le bétail, les industriels finirent par revendre eux-mêmes leurs déchêts aux éleveurs.
C'est ainsi que pendant vingt ans, dans les vallées du Doubs et de l'Areuse, on mangea de la viande à l'absinthe, boeufs, porcs, lapins, poulets étant engraissés avec de l'anis ou "drèche " qui donnait aux rôtis une saveur particulière que certains appréciaient.
D'abord interdite en Suisse par un arrêté du Conseil fédéral en date du 7 avril 1908, la fabrication de la << verte >> que l'on appelle aussi la << bleue >>, devint illicite en France par le vote d'une loi du 16 mars 1915.

Pourtant, bien que soixante-cinq années se soient écoulées depuis cette draconienne prohibition, dans certaines fermes du Haut-Pays, en Saugeais comme dans le Val-de-Travers, on vous fera encore déguster en catimini un produit clandestin appelé ironiquement << Café de Couvet ou de Pontarlier >>.
On fera couler délicatement dans un grand verre, à l'ancienne, sur un morceau de sucre posé sur une cuillère spéciale en argent héritée du grand-père, un breuvage verdâtre à la forte senteur et qui, même additionné d'eau fraîche, vous procurera des sensations...

C'est la << fée verte >>, absinthe titrant 65°, que buvaient autrefois Verlaine, Van Gogh ou Picasso...

picasso



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